Salariés qui refusent le pass sanitaire ou la vaccination obligatoire : comment devez-vous réagir ?
Dès lors que le pass sanitaire ou la vaccination s’impose pour vos salariés, vous ne pouvez pas laisser les choses traîner. Vous devez contrôler la situation de vos salariés et réagir, à certaines échéances, si vous n’avez pas les justificatifs nécessaires sous peine d’être vous-même sanctionné. Jusqu’où pouvez-vous aller si la situation stagne ? Un licenciement est-il envisageable ?
Obligation de contrôle
Le pass sanitaire s’applique aux salariés depuis le 30 août dernier dans certains lieux et établissements recevant du public. Il deviendra applicable aux mineurs (dont les apprentis) à compter du 30 septembre 2021.
C’est le responsable de l’établissement et lui-seul qui est autorisé à procéder aux contrôles de justificatifs requis pour y accéder.
Il a connaissance du statut des salariés au regard de l’obligation de pass sanitaire via le QR code. Ce dernier ne comporte pas d’information précise : vous ne savez pas par quel moyen ce pass est respecté (cela peut être par le vaccin, un test PCR, le rétablissement après une contamination, etc.). Attention En l’absence de contrôle du pass sanitaire, vous risquez, dans un premier temps, une mise en demeure, sauf en cas d’urgence ou évènement ponctuel, de vous conformer aux obligations applicables. Vous aurez alors un délai maximum de 24 heures pour réagir au risque d’une fermeture administrative pouvant aller jusqu’à 7 jours. Cette sanction a d’ores et déjà été prononcée pour des bars et cafés ces derniers jours.
Si un manquement est constaté à plus de 3 reprises au cours d’une période de 45 jours, cela sera puni d’un an d’emprisonnement et de 9000 euros d’amende (45 000 euros pour une personne morale).
Conséquences et sanctions possibles à défaut de pass sanitaire
Si un salarié ne dispose pas d’un pass sanitaire, vous ne pouvez pas le laisser prendre ses fonctions. Il peut avec votre accord poser des jours de repos ou des congés payés. Sinon vous devez lui notifier le jour même, par tout moyen, la suspension de son contrat de travail. Cette suspension s’accompagne de l’interruption du versement de sa rémunération.
Si la suspension du contrat se prolonge au-delà d’une durée équivalente à 3 jours travaillés, vous devez convoquer le salarié à un entretien et examiner avec lui les moyens qui pourraient permettre de régulariser sa situation comme par exemple :
- voir les possibilités d’affectation, le cas échéant temporaire, au sein de l’entreprise sur un autre poste non soumis à l’obligation du pass sanitaire (si cela emporte modification de son contrat de travail, par exemple de sa qualification, le salarié devra l’accepter et signer un avenant) ;
- envisager un télétravail.
La suspension du contrat prend fin dès la présentation des justificatifs requis par le salarié.
Pour le moment, le pass sanitaire est obligatoire jusqu’au 15 novembre. La suspension pourrait donc durer des mois. Contrairement à ce qui avait été prévu dans le projet de loi initial il n’y a pas de cause de licenciement prédéfinie pour les salariés qui refuseraient le pass. Mais ça ne veut pas dire que tout licenciement est inenvisageable s’il existe une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Quelle pourrait être cette cause ?
La Cour de cassation admet qu’une absence prolongée qui désorganise l’entreprise et nécessite un remplacement définitif peut justifier un licenciement. La question peut donc légitimement se poser d’utiliser ce motif pour ce cas de figure inédit mais il faut garder en tête que ce n’est pas sans risque compte-tenu de la durée limitée du pass, de la nécessité de prouver la perturbation au fonctionnement, etc.
Contrôle et sanction de la vaccination obligatoire
Obligation de contrôle
La vaccination est devenue obligatoire pour certaines professions au 9 août 2021 sauf contre-indication médicale ou présentation d’un certificat de rétablissement.
Actuellement et jusqu’au 14 septembre il est possible de continuer à travailler en présentant le résultat négatif d’un test virologique de moins de 72 heures (RT-PCR, test antigénique ou autotest supervisé par un professionnel de santé). A partir du 15 septembre et jusqu’au 15 octobre inclus, il faudra en plus de ce résultat, avoir reçu une première dose du vaccin. Passé cette date les salariés n’auront plus d’échappatoire : il faudra présenter un schéma vaccinal complet pour continuer à travailler (ou ne pas y être soumis en raison de contre-indication médicale ou d’un rétablissement après une contamination).
Vous devez contrôler le respect de ces règles et demander aux salariés de vous fournir les documents nécessaires à ce contrôle (justificatif de statut vaccinal par exemple). Important Si vous ne respectez pas votre obligation de contrôler le respect de l’obligation vaccinale, vous risquez l’amende prévue pour les contraventions de 5e classe (1500 euros) ou une procédure d’amende forfaitaire. Si une telle violation est verbalisée à plus de 3 reprises dans un délai de 30 jours, les faits sont punis d’un an d’emprisonnement et de 9000 euros d’amende.
Conséquences et sanctions possibles à défaut de vaccination
Lorsqu’un travailleur n’a pas les justificatifs nécessaires vous devez l’informer sans délai des conséquences et des moyens de régulariser sa situation.
Le salarié fait l’objet d’une interdiction d’exercer. Il peut utiliser, avec votre accord, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés. A défaut, son contrat de travail est suspendu.
Bien qu’aucun entretien ne soit imposé durant la suspension du contrat concernant la vaccination obligatoire (à l’inverse du pass sanitaire où un entretien est déclenché au bout de 3 jours), le ministère du Travail encourage à instaurer un dialogue pour évoquer les moyens de régulariser la situation et retracer par écrit les échanges et éventuelles décisions arrêtés.
Si la suspension dure trop, la question du licenciement pourrait là-aussi se poser.
Comme pour le défaut de pass sanitaire, on pourrait imaginer qu’un licenciement pour absence prolongée et nécessité de remplacement soit éventuellement admis par les juges en cas de suspension du contrat pour défaut de vaccination.
Mais il existe une autre possibilité : un licenciement pour faute est envisageable en cas de refus injustifié du salarié de la vaccination. La Cour de cassation a en effet déjà validé il y a quelques années le licenciement pour cause réelle et sérieuse d’un salarié qui refusait un vaccin obligatoire. Il s’agissait en l’espèce d’un salarié d’une entreprise de pompes funèbres qui refusait de se faire vacciner contre l’hépatite B alors que la réglementation applicable à l’entreprise de pompes funèbres imposait la vaccination. Dans cette affaire, le médecin du travail avait prescrit la vaccination et le salarié ne présentait pas de contre-indication médicale (Cass. soc., 11 juillet 2012, n° 10-27.888). Ces fonctions l’exposaient également au risque de la maladie.
Le ministère du Travail dans son questions-réponses n’a pas souhaité prendre de position affirmée et se contente de préciser que dans le cas d’une situation de blocage persistante, les procédures de droit commun concernant les contrats de travail peuvent s’appliquer. La ministre du Travail a également affirmé qu’il « ne faut pas laisser croire aux salariés qu’il ne peut pas y avoir de licenciement ».