Harcèlement moral au travail : définition, preuves et obligations de l’employeur en 2025
Avocat dédié au droit du travail Avocat en droit du travail Avocat spécialisé en droit du travail Avocat travail Droit du travail Toulon Droit social Toulon Harcèlement

Harcèlement moral au travail : définition, preuves et obligations de l’employeur en 2025

  • 22 mai 2025

Le harcèlement moral au travail reste un enjeu majeur pour les salariés et les employeurs. Les règles de preuve ont évolué, modifiant les responsabilités de chacun.

Cet article fait le point sur les dernières avancées juridiques et leurs implications pratiques.

Les éléments constitutifs du harcèlement moral en 2025

Le harcèlement moral est défini par l’article L 1152-1 du Code du travail, aux termes duquel aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Ainsi, il résulte de ce texte que le harcèlement moral se caractérise essentiellement par la dégradation des conditions de travail résultant d’actes répétitifs (non définis) susceptibles d’avoir des conséquences dommageables sur le plan professionnel ou sur la santé de la victime, l’auteur du harcèlement important peu dès lors qu’il survient dans le cadre professionnel.

Ces agissements peuvent prendre diverses formes et impacter significativement la santé physique ou mentale de la victime.

Points qui font la différence :

  • Des propos ou comportements répétés
  • Une atteinte à la dignité ou à la santé du salarié
  • Une dégradation des conditions de travail
  • L’intention de l’auteur n’est pas nécessaire pour caractériser le harcèlement

L’impact du harcèlement sur les conditions de travail

Le harcèlement moral transforme profondément l’environnement professionnel de la victime. Cette dégradation se manifeste souvent par

Avant le harcèlementAprès le harcèlement
Autonomie dans les tâchesSurveillance excessive
Communication fluideIsolement professionnel
Reconnaissance du travailCritiques systématiques
Missions en adéquation avec les compétencesTâches dévalorisantes ou impossibles à réaliser

Ces changements affectent non seulement la qualité du travail mais aussi l’état psychologique du salarié, pouvant conduire à des troubles anxieux, dépressifs ou psychosomatiques.

La charge de la preuve dans les affaires de harcèlement moral

La preuve en matière de harcèlement moral en droit du travail repose sur un régime probatoire spécifique régi par l’article L. 1154-1 du Code du travail.

Le législateur a mis en place un système qui vise à faciliter l’action des victimes tout en préservant les droits de la défense.

Voici comment se répartit la charge de la preuve :

  1. Pour le salarié: Établissement des faits: Présenter des éléments laissant supposer l’existence d’un harcèlement
  2. Pour l’employeur: Réfutation – Prouver que les agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement.
  3. Appréciation finale: Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Cette répartition de la charge de la preuve vise à équilibrer les forces entre le salarié, souvent en position de vulnérabilité, et l’employeur qui dispose généralement de plus de moyens pour établir les faits.

Les éléments de preuve recevables en justice

Dans les affaires de harcèlement moral, divers types de preuves peuvent être présentés devant le Conseil de Prud’hommes. Leur recevabilité et leur force probante varient selon leur nature et les conditions dans lesquelles elles ont été obtenues.

  1. Témoignages de collègues ou de tiers
  2. Échanges écrits (emails, SMS, notes de service)
  3. Enregistrements audio ou vidéo (sous certaines conditions)
  4. Certificats médicaux attestant de l’état de santé
  5. Rapports d’expertise psychologique ou psychiatrique
  6. Documents internes à l’entreprise (évaluations, comptes-rendus de réunions)

Il importe de souligner que depuis un arrêt de la Cour de cassation du 22 décembre 2023, une preuve obtenue de manière déloyale peut être recevable si elle s’avère indispensable à l’exercice du droit à la preuve et que l’atteinte portée est proportionnée au but poursuivi. Cette évolution jurisprudentielle ouvre de nouvelles perspectives pour les victimes de harcèlement. A ce titre : voir notamment nos articles sur les enregistrements sonores par exemple.

L’évolution des obligations de l’employeur face au harcèlement

Les responsabilités de l’employeur en matière de harcèlement moral ont connu des changements significatifs.

L’employeur, tenu à une obligation de sécurité, doit prévenir le harcèlement moral et prendre les dispositions nécessaires en ce sens. Sa responsabilité ne peut être écartée que s’il a mis en œuvre toutes les mesures de prévention prévues par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail, notamment des actions d’information et de formation, et a mis fin au harcèlement dès qu’il en a été avisé (Cass. soc. 1-6-2016 no 14-19.702 FS-PBRI; Cass. soc. 5-10-2016 no 15-20.140 F-D).

Au titre de cette obligation, l’employeur est-il obligatoirement tenu de mettre en œuvre une enquête interne dès lors que des faits de harcèlements sont signalés ?
Un arrêt du 12 juin 2024 a donné la réponse: En réponse à une dénonciation de faits de harcèlement, un employeur doit prendre les mesures suffisantes pour prévenir la santé et la sécurité des salariés, sans nécessairement diligenter une enquête interne. (Cass. soc. 12-6-2024 no 23-13.975 FS-B, T. c/ Sté Eservglobal).

En résumé, avant l’arrêt du 12 juin 2024:

  • Enquête systématique en cas d’allégation de harcèlement
  • Responsabilité en cas d’inaction: automatique
  • Mesures attendues: enquête interne principalement
  • Appréciation judiciaire centrée sur la réalisation de l’enquête
  • Après l’arrêt du 12 juin 2024
  • Enquête à l’appréciation de l’employeur
  • Responsabilité en cas d’inaction: évaluée selon les mesures prises
  • Mesures attendues : diverses actions possibles
  • Appréciation judiciaire : globale sur les actions de l’employeur

Cette évolution jurisprudentielle accorde une plus grande flexibilité aux employeurs dans leur réponse aux allégations de harcèlement, tout en maintenant leur obligation de prendre des mesures effectives pour préserver la santé et la sécurité des salariés.

L’enquête interne : obligation ou option pour l’employeur ?

L’arrêt du 12 juin 2024 a clarifié la position du droit sur l’obligation d’enquête interne en cas d’allégation de harcèlement moral. Désormais, l’enquête n’est plus systématiquement obligatoire, mais reste une option parmi d’autres pour l’employeur.

Les points clés de cet arrêt sont :

  • L’absence d’enquête n’engage pas automatiquement la responsabilité de l’employeur
  • L’employeur doit prendre des mesures « suffisantes » pour préserver la santé et la sécurité des salariés
  • L’appréciation des mesures prises se fait au cas par cas par les juges
  • D’autres actions que l’enquête peuvent être considérées comme appropriées

Cette nouvelle approche permet une plus grande adaptabilité dans la gestion des situations de harcèlement, tout en maintenant l’exigence d’une réaction appropriée de l’employeur. Elle implique une évaluation plus fine de chaque situation pour déterminer la réponse la plus adéquate.

Comment agir en cas de harcèlement moral au travail ?

Face à une situation de harcèlement moral, il s’avère primordial d’agir de manière structurée et réfléchie. Voici les étapes à suivre pour constituer un dossier solide et faire valoir vos droits :

  1. Documenter précisément les faits (dates, lieux, personnes présentes)
  2. Collecter des preuves (emails, témoignages, certificats médicaux)
  3. Informer l’employeur par écrit de la situation
  4. Contacter les représentants du personnel ou le médecin du travail
  5. Consulter un avocat spécialisé en droit du travail
  6. Saisir l’inspection du travail si nécessaire
  7. Envisager une action en justice si la situation persiste et en fonction des éléments que vous avez rassemblés.

Il importe de garder à l’esprit que chaque situation est unique et nécessite une approche personnalisée. L’objectif principal reste de mettre fin au harcèlement et de préserver votre santé. Constituer un dossier solide : l’exemple de Mme Dupont.

Pour illustrer concrètement la démarche à suivre, examinons le cas fictif de Mme Dupont, cadre dans une entreprise de services, qui a su constituer un dossier probant face à une situation de harcèlement moral.

DateActionRésultat
15/01/2025Début de la tenue d’un journal détaillé des incidentsChronologie précise des faits établie
01/02/2025Collecte d’emails et de messages inappropriésPreuves écrites des agissements
15/02/2025Consultation d’un médecin pour stress au travailCertificat médical attestant de la dégradation de l’état de santé
01/03/2025Entretien avec les représentants du personnelTémoignages de collègues recueillis
15/03/2025Envoi d’un courrier recommandé à la directionTrace écrite de l’alerte donnée à l’employeur
01/04/2025Consultation d’un avocat spécialiséAnalyse du dossier, Stratégie juridique établie

La démarche méthodique de Mme Dupont lui a permis de rassembler des éléments probants variés, renforçant considérablement la crédibilité de sa plainte. Cette approche structurée s’avère souvent déterminante dans la résolution des situations de harcèlement moral.

Les recours juridiques en cas de harcèlement moral avéré

Lorsque le harcèlement moral est établi, plusieurs voies de recours s’offrent à la victime. Chaque option présente des avantages et des inconvénients qu’il convient de peser soigneusement.

Type de recoursAvantagesInconvénients
Procédure prud’homaleSpécialisée en droit du travail, possibilité d’indemnisationProcédure parfois longue
Action pénaleSanction de l’auteur, reconnaissance publiqueCharge de la preuve plus lourde
MédiationRapide, préserve les relations de travailNécessite la coopération de toutes les parties
Transaction confidentielleRésolution rapide, indemnisationRenonciation à toute action

Le choix du recours dépend de nombreux facteurs : la gravité des faits, les preuves disponibles, la situation professionnelle de la victime, ou encore ses objectifs personnels (réparation financière, reconnaissance du préjudice, sanction de l’auteur, etc.). La réparation du préjudice : quelles indemnités espérer ?

En cas de harcèlement moral reconnu, la victime peut prétendre à différents types d’indemnisation pour réparer le préjudice subi. Les montants varient selon la gravité des faits et leurs conséquences sur la vie professionnelle et personnelle de la victime.

Les principaux types d’indemnités sont :
• Indemnités pour licenciement nul
• Dommages et intérêts pour harcèlement moral / non respect de l’obligation de sécurité

Pour un exemple d’une salariée défendue par le cabinet, voir notre précédent article sur un cas de harcèlement moral au travail.

Leave a Reply