Agissements d’un salarié dans un état psychique altéré : l’employeur doit réagir sans emprunter la voie disciplinaire
Avocat spécialisé en droit du travail

Agissements d’un salarié dans un état psychique altéré : l’employeur doit réagir sans emprunter la voie disciplinaire

  • 24 mars 2025

Publié le 21/03/2025 à 15:00 dans Obligations de l’employeur – Temps de lecture : 3 min


Introduction

Dans le contexte actuel du droit du travail, les agissements d’un salarié en état psychique altéré posent des questions complexes quant à la réactivité et aux obligations de l’employeur. Si un salarié invoque une altération de son état psychique au moment des faits, l’employeur ne peut plus se reposer uniquement sur une sanction disciplinaire classique. La jurisprudence rappelle d’ailleurs que le licenciement pour faute grave ne peut être fondé sur des faits qui ne sont pas imputables au salarié.


Licenciement pour faute grave et imputabilité des faits

La latitude du pouvoir disciplinaire

L’employeur dispose d’une certaine marge de manœuvre pour :

  • Déterminer si le comportement du salarié doit être considéré comme fautif.
  • Choisir la sanction disciplinaire appropriée.

Rappel essentiel : Pour sanctionner un salarié, deux exigences doivent être respectées :

  1. Procédure disciplinaire – Respecter les règles de mise en œuvre.
  2. Sanction proportionnée – Appliquer une sanction autorisée par le droit.

L’exigence d’imputabilité

Pour justifier un licenciement pour faute grave, il est indispensable que les faits reprochés soient clairement imputables au salarié. Dans certains cas, l’état psychique du salarié peut altérer sa capacité de discernement, rendant difficile l’attribution d’une faute disciplinaire. Un salarié en pleine décompensation psychiatrique, par exemple, peut ne pas être pleinement responsable de ses agissements.


Retour sur une jurisprudence marquante

Dans une affaire portée devant la Cour de cassation, un salarié a été licencié pour faute grave après avoir envoyé des messages insultants et menaçants à une collègue. Cependant, il s’est avéré que ce dernier souffrait de troubles psychotiques sévères et traversait une phase de décompensation psychiatrique, en rupture de traitement depuis plusieurs mois. La situation s’est aggravée avec une hospitalisation sous contrainte dans les jours suivants.

Décision des juges

  • Cour d’appel de Toulouse et Cour de cassation : Les juges ont considéré que l’altération de l’état psychique du salarié empêchait de lui imputer les faits reprochés.
  • Conséquence : Le licenciement pour faute grave a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Cette décision rappelle que, même dans les cas de comportements répréhensibles, l’élément d’imputabilité est essentiel pour qualifier la faute du salarié.


Les obligations de l’employeur face à la situation

Réagir avec célérité et efficacité

L’employeur ne doit pas interpréter la décision de la Cour comme un appel à l’inaction. Au contraire, l’obligation de sécurité impose de prendre rapidement des mesures adaptées pour préserver le bon fonctionnement de l’entreprise et la santé de tous les collaborateurs.

Alternatives à la sanction disciplinaire

Lorsqu’un salarié présente un état psychique altéré, l’employeur peut envisager d’autres leviers que la sanction disciplinaire :

  • Licenciement pour motif non disciplinaire : Basé sur l’inaptitude et l’impossibilité de reclassement du salarié. Dans l’exemple cité, le salarié était en arrêt maladie et avait formé une demande d’invalidité.
  • Trouble caractérisé dans le fonctionnement de l’entreprise : Par des absences répétées ou prolongées qui nuisent à l’activité de l’entreprise.

À noter : La mise à pied conservatoire reste une mesure légitime et peut être utilisée en attendant de définir la suite à donner, sans pour autant aboutir directement à un licenciement disciplinaire.


Prévention et gestion des risques psychosociaux

Pour anticiper et mieux gérer les situations de troubles psychiques au sein de l’entreprise, il est recommandé d’initier une démarche de prévention des risques psychosociaux. Des outils et documentations spécialisés, comme « RPS et QVCT : le pas à pas d’une démarche à succès », peuvent aider les entreprises à instaurer une gestion efficace de la santé mentale et du bien-être au travail.


Conclusion

Les cas de salariés en état psychique altéré exigent de l’employeur une réactivité mesurée et adaptée. Il ne suffit pas de recourir à une sanction disciplinaire sans tenir compte de l’imputabilité des faits. En adoptant des alternatives comme le licenciement pour motif non disciplinaire et en renforçant la prévention des risques psychosociaux, l’employeur peut à la fois respecter ses obligations légales et garantir la sécurité au travail.


Référence jurisprudentielle : Cour de cassation, chambre sociale, 5 mars 2025, n° 23-50.022


Cet article vise à éclairer les enjeux liés aux agissements d’un salarié dans un état psychique altéré et rappelle l’importance pour l’employeur de choisir une réponse adaptée à chaque situation, dans le respect des exigences du droit du travail et de la protection de la santé au travail.

Leave a Reply